Être parent à l’ère du changement climatique : un défi émotionnel
Être parent n’a jamais été simple, mais aujourd’hui, une inquiétude nouvelle et profonde s’invite dans le quotidien familial : l’avenir écologique de la planète.
Face aux vagues d’informations sur le dérèglement climatique, sur l’effondrement de la biodiversité, ou sur les catastrophes naturelles, de nombreux parents avouent s’inquiéter à propos du climat, ressentir une profonde culpabilité, ou se sentir totalement impuissants face aux transformations du monde.
Ce stress spécifique, intitulé éco-anxiété, est fréquent. Il s’installe progressivement comme une préoccupation centrale qui touche la sphère privée et familiale, transformant la manière d’envisager l’avenir et de se projeter.
Qu’est-ce que l’éco-anxiété ?
L’éco-anxiété se définit comme :
“La peur chronique et souvent accablante d’une catastrophe ou d’un bouleversement environnemental” (Clayton et al., 2017).
C’est une réaction psychologique légitime face à des menaces réelles. Elle n’est pas une simple peur, mais un état émotionnel persistant qui peut se manifester par :
- Des inquiétudes et ruminations tenaces sur l’avenir.
- Des pensées catastrophistes concernant le monde de demain.
- De la colère ou de la tristesse face à l’inaction politique ou collective.
- Un sentiment de culpabilité lié à son propre mode de vie.
- Des difficultés à se projeter dans l’avenir, voire à envisager d’avoir d’autres enfants.
- Des symptômes physiques comme des troubles du sommeil ou de la concentration.
Il est essentiel de distinguer deux formes principales (Jalin, 2025) :
- L’éco-anxiété adaptative : C’est une émotion saine qui pousse à la vigilance, à la réflexion et surtout à l’action constructive.
- L’éco-anxiété pathologique : Lorsqu’elle devient trop intense, envahissante et handicapante, menant à la paralysie, au désespoir ou à l’évitement.
Pourquoi les parents sont-ils particulièrement sensibles ?
Devenir parent est un acte d’amour et d’élargissement de notre champ de responsabilités. On ne pense plus seulement à soi, mais à l’avenir, la sécurité et au bien-être de notre enfant.
Cette responsabilité peut s’accompagner d’inquiétudes liées au contexte environnemental :
- “Mon enfant aura-t-il suffisamment d’eau potable dans 30 ans ?”
- “Quelle planète est-ce que je lui laisse ?”
- “Aurais-je dû prendre la décision de mettre un enfant au monde dans ce contexte d’incertitude ?”
Pour le parent, l’éco-anxiété se charge souvent d’une dimension de faute ou de regret. Il ne s’agit pas seulement de sa propre survie, mais de celle de sa descendance, ce qui rend l’émotion particulièrement puissante et difficile à gérer seul.
Et du côté des enfants et adolescents ?
Contrairement à l’idée reçue, les enfants et les adolescents sont souvent très informés et conscients des enjeux climatiques. L’école, les médias, et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans leur sensibilisation.
L’éco-anxiété chez les jeunes est une réalité criante. Ils peuvent parfois se montrer plus anxieux que leurs parents, car ils sont les premiers à hériter de ce monde. On observe deux réactions extrêmes chez les ados :
- Le sur-engagement ou l’activisme : Devenir un moteur de changement (marches climat, initiatives locales).
- Le désespoir et la paralysie : Tendance au cynisme, au déni, ou au sentiment que toute action est inutile.
Il est crucial de se souvenir que les jeunes ont besoin d’être accompagnés et écoutés, et non pas sur-informés par un discours alarmiste venant de leurs parents.
Le cercle vicieux de l’éco-anxiété
Le mécanisme de l’anxiété environnementale peut rapidement devenir un cercle vicieux :
- Pensée anxieuse (ex : “le monde va s’effondrer”)
- Émotion forte (ex : peur, panique, désespoir.)
- Comportement d’évitement ou d’hyper-engagement (ex : ne plus regarder les infos ou, à l’inverse, s’épuiser dans des actions démesurées.)
- Fatigue psychologique et physique
La bonne nouvelle est que, puisque c’est un cercle, il est possible d’intervenir à chaque étape pour briser le cycle et transformer l’anxiété en moteur positif.
Comment apaiser l’éco-anxiété ?
1. Agir sur le corps pour calmer l’urgence
L’anxiété est une alerte corporelle. Pour la faire redescendre, il faut réguler le système nerveux :
- Techniques de respiration : pratiquer la cohérence cardiaque ou la méthode de respiration carrée pour un retour au calme immédiat.
- Limiter la surcharge médiatique : Définir des horaires ou des jours “sans infos anxiogènes” pour offrir un répit à votre esprit.
2. Agir sur les pensées pour rétablir la lucidité
L’objectif n’est pas d’éliminer l’inquiétude, mais de la recadrer :
- Reformuler la paralysie : remplacer “Je suis impuissant face au réchauffement climatique mondial” par “Je peux agir concrètement à l’échelle de ma famille et de ma commune.“
- Sélectionner des sources fiables : s’informer auprès de scientifiques, sociologues, ou associations reconnues plutôt que de se fier aux gros titres sensationnalistes.
- Reconnaître sans juger : accueillir l’émotion (“oui, je suis triste pour l’avenir“) au lieu de la fuir ou de la minimiser.
3. Agir sur le comportement pour retrouver la maîtrise
L’action est l’antidote le plus puissant au sentiment d’impuissance :
- S’engager au niveau local : rejoindre un groupe de quartier, une association de protection de l’environnement. L’action collective rassure et donne du sens.
- Mettre en place un “rituel d’action familiale” : planifier un moment par mois ou par semaine pour une action positive (nettoyage de parc, jardinage, cuisine anti-gaspi).
- Appliquer la méthode du plus petit pas possible : face à l’immensité de la tâche, se fixer un objectif minuscule et atteignable (ex: “je vais réparer un objet au lieu d’en racheter un“). La réussite de ce petit pas restaure la confiance en soi.
Comment en parler à ses enfants ?
L’accompagnement doit être adapté à leur niveau de développement et de maturité.
| Âge de l’enfant | Approche recommandée | Exemples d’actions |
| 3-6 ans | Simplifier et rassurer. Passer par le jeu, la nature et le concret. | Parler de protéger les animaux et les plantes. Mettre en terre une graine. Lectures sur la nature. |
| 7-11 ans | Expliquer concrètement. Rendre visible le lien de cause à effet à leur échelle. | Trier les déchets, éteindre les lumières, faire un compost. Associer l’enfant aux petites actions de la maison. |
| 12-17 ans | Dialoguer et co-agir. Reconnaître leur maturité et les associer à la réflexion. | Les écouter sans juger leur engagement. Débattre ensemble des solutions. Leur donner des perspectives. |
Conclusion
L’éco-anxiété illustre une connexion profonde au vivant. Elle dit : “Je tiens à mes enfants, à la vie, au monde.”
En tant que parent, la clé est de la reconnaître l’éco-anxiété, voire les éco-émotions, et de les utiliser comme indicateurs. Avec les bons outils psychologiques, cela peut devenir un moteur d’action lucide, équilibrée et constructive, et vous permettre de transmettre à vos enfants non pas une peur, mais de l’espoir actif.